mardi 7 décembre 2010
Annie remonte ses manches, elle va préparer un ragoût. Elle attend la visite de son arrière grand-père à onze heure. Il est huit heures, elle sort les marmites. Soudain un cavalier passe devant sa fenêtre, le cheval est au galop, il se dirige vers la forêt. Annie se met alors à penser au poney de son arrière grand-père, Frank le poney. Des souvenirs de moments passés avec Frank dans les champs quand elle était jeunette jaillissent. Annie s'assied sur le carrelage de la cuisine, se cale la tête dans les mains et reste ainsi quelques instants. Le contact de ses fesses contre le carrelage froid provoque quelques frissons dans son dos.
Vous devez simplement lui prendre les mains, voyez... comme cela oui. C'est d'une simplicité extrême. Vous vous déplacez ensuite tous les trois dans la pièce, de côté et en biais, à pas chassés comme le font les crabes. Exactement. Attendez, enlevez d'abord tous votre legging. Votre caleçon à présent. Je veux voir vos sexes.Très bien. Je vous fais confiance, vous semblez propres. Ne parlons tout de même pas de pureté. Bien, vous pouvez tourner ensemble de temps en temps, je veux dire, comme le font les danseurs, vous comprenez? Comme fait l'âne qui sort de son box à reculons. A aucun moment vous ne lâchez ses mains, ne l'oubliez pas. Lorsque vous tournez, vos mouvements doivent être vraiment fluides, je ne veux pas voir de pantins complètement bloqués et secs, vos articulations sont encore jeunes et fraîches, servez-vous en, je veux voir des mouchoirs de soie flotter à travers l'espace vide. Comme le font les fantômes. Dans le grenier chez ma grand-mère, une équipe de spectres livides passe le temps en organisant des ballets. Il faut voir avec quelle grâce ils traversent les objets, les meubles, les fauteuils. J'aime leurs robes, elles sont d'une légerté... Je voudrais ressentir la même émotion en vous regardant. Vous enfilerez ces toges blanches, sur la chaise là-bas. Au bout d'un moment, trois demoiselles vous rejoindront sur la piste, elles sont dans la pièce à côté pour le moment. Histoire de garder une trace de spontanéité dans tout cela, elles interviendront quand elles le souhaiteront je n'ai pas donné d'ordre. Elles nous observent en ce moment même à travers ce miroir sans teint, elles garderont un oeil sur toute votre performance. Elles sont vierges, je vous demanderai d'être tendre avec elles, restez calme lorsqu'elles se déshabilleront, laissez les faire ne brusquez pas les choses. Pour ma part, je resterai derrière le bar au fond, je dégusterai quelques verres de vin. J'espère ne pas avoir à intervenir durant votre chantier. Mais tout ira bien j'en suis sûr.
vendredi 30 avril 2010
Un vent humide passait tranquillement sous l'hôpital, ça ne dérangeait pas le garçon. Des câbles épais découpaient le paysage, suspendus d'un bout à l'autre, traversant l'horizon au dessus du sentier côtier. Sa fenêtre ouverte évacuait les odeurs, en laissait entrer de plus agréables, celles des voiles, des oursins, des algues dandinantes.
Ses bras reposaient mollement sur les draps, ses journées consistaient à suivre des yeux les oiseaux au-dessus de la plage, parfois on le poussait jusqu'au rivage, les roues dans les vagues proches, dans l'écume mousseuse et blanchâtre. Il arrivait qu'on s'embourbe à mi-chemin, le sable fin s'écroule sur un ancien circuit de billes, les infirmières riaient en tirant plus fort, l'une pousse l'autre tire, il voyait leurs cuisses leurs seins le vent plaque les blouses, il riait avec elles.
Tous les visages sont illuminés, l'air de la mer, Los Angeles en poster sur la porte, ils sont jeunes. Il ne pourra plus faire de skate avec les autres mais il pourra toujours dériver sur l'océan, sur un canard gonflable. Les infirmières l'embrassaient souvent, il n'était pas malheureux complètement, il pourrait bien se passer d'enfants après tout (il oubliait qu'il n'avait que 20 ans, à 20 ans on n'est pas forcément en âge de décider si on souhaite en avoir)
Il trouvera une autre copine en sortant d'ici. Il est beau garçon, nez cassé. La précédente n'avait pas voulu attendre si longtemps. On peut la comprendre, à 20 ans on n'a pas le temps d'attendre chaque instant compte chaque moment vécu doit être extraordinaire. Elle aurait pu passer ses journées à lire sur la plage en léchant des glaces à l'eau pourtant. Pas assez percutant, pas assez de rebondissement? Il faut tourner les pages, éviter de se couper avec leurs profils tranchant. Non, tourner sa langue dans des grosses bouches sucer des sexes, c'est ça.
Le garçon aimait la couleur du ciel le soir parfois, des nappes de oranges et de verts, un peu de mauve bavant. Au dessus de la ligne d'eau des touffes de bleu marine extrêmement foncé. Il était rare qu'on fermât la fenêtre, il se sentait vivre quand un souffle venait décoiffer les poils sur ses bras.
Ses bras reposaient mollement sur les draps, ses journées consistaient à suivre des yeux les oiseaux au-dessus de la plage, parfois on le poussait jusqu'au rivage, les roues dans les vagues proches, dans l'écume mousseuse et blanchâtre. Il arrivait qu'on s'embourbe à mi-chemin, le sable fin s'écroule sur un ancien circuit de billes, les infirmières riaient en tirant plus fort, l'une pousse l'autre tire, il voyait leurs cuisses leurs seins le vent plaque les blouses, il riait avec elles.
Tous les visages sont illuminés, l'air de la mer, Los Angeles en poster sur la porte, ils sont jeunes. Il ne pourra plus faire de skate avec les autres mais il pourra toujours dériver sur l'océan, sur un canard gonflable. Les infirmières l'embrassaient souvent, il n'était pas malheureux complètement, il pourrait bien se passer d'enfants après tout (il oubliait qu'il n'avait que 20 ans, à 20 ans on n'est pas forcément en âge de décider si on souhaite en avoir)
Il trouvera une autre copine en sortant d'ici. Il est beau garçon, nez cassé. La précédente n'avait pas voulu attendre si longtemps. On peut la comprendre, à 20 ans on n'a pas le temps d'attendre chaque instant compte chaque moment vécu doit être extraordinaire. Elle aurait pu passer ses journées à lire sur la plage en léchant des glaces à l'eau pourtant. Pas assez percutant, pas assez de rebondissement? Il faut tourner les pages, éviter de se couper avec leurs profils tranchant. Non, tourner sa langue dans des grosses bouches sucer des sexes, c'est ça.
Le garçon aimait la couleur du ciel le soir parfois, des nappes de oranges et de verts, un peu de mauve bavant. Au dessus de la ligne d'eau des touffes de bleu marine extrêmement foncé. Il était rare qu'on fermât la fenêtre, il se sentait vivre quand un souffle venait décoiffer les poils sur ses bras.
vendredi 23 avril 2010
-pourquoi tu prends rien?
-j'ai pas encore assez faim
-qu'est ce que c'est que ça?
-une vraie tomate
-mon dieu comment en sommes nous arrivé là?
les hommes après avoir cueilli des légumes sauvage, voilà qu'ils se mettent à les cultiver
la courge, on la retrouve dix mille ans avant l'ère chrétienne
sept, dix mille ans, le chou
les panais viennent du nord de l'europe, ce sont des cousins de la carotte, pendant 30 mille ans nous allons consommer des panais
-tiens ça c'est de la soupe aux choux, de la vraie
la soupe aux choux ça parfume jusqu'au trognon
le chou est bourré de vitamines
il symbolise le monde paysan
"il pète comme un chou"
Ah ! La bonne soupe, soupe
Ah ! La bonne soupe aux choux
Que vous mangerez avec nous
Ah ! La soupe aux choux !
you!
-j'ai pas encore assez faim
-qu'est ce que c'est que ça?
-une vraie tomate
-mon dieu comment en sommes nous arrivé là?
les hommes après avoir cueilli des légumes sauvage, voilà qu'ils se mettent à les cultiver
la courge, on la retrouve dix mille ans avant l'ère chrétienne
sept, dix mille ans, le chou
les panais viennent du nord de l'europe, ce sont des cousins de la carotte, pendant 30 mille ans nous allons consommer des panais
-tiens ça c'est de la soupe aux choux, de la vraie
la soupe aux choux ça parfume jusqu'au trognon
le chou est bourré de vitamines
il symbolise le monde paysan
"il pète comme un chou"
Ah ! La bonne soupe, soupe
Ah ! La bonne soupe aux choux
Que vous mangerez avec nous
Ah ! La soupe aux choux !
you!
mardi 13 avril 2010
Du caramel érotique dégouline sur la chemise que je viens de repasser. C'est pas quelque chose que je peux prendre à la légère, j'empoigne une boîte d'allumettes et brûle ça immédiatement. Mon voisin de table se fait piquer par une mouche. Il y en a plusieurs autour de lui, il n'a jamais apprécié la douceur des bains, les bulles de savon le rendent nauséeux. Il faut ajouter qu'on se trouve dans une petite maison, en pleine campagne bretonne. Des communautés de bovins nous encerclent. La négligence de mon camarade en matière de toilette corporelle ne peut être considérée comme seule responsable.
"Quelle mouche te pique?" je demande.
"J'en sais rien. Tu sais, elles sont si nombreuses, je ne les reconnais jamais, et puis, elles circulent si vite. Vois comme elles zigzaguent dans la pièce, de véritables bolides mon pote"
Je termine la vaisselle pendant qu'il pisse devant la maison. Il fait bon aujourd'hui, on va aller marcher dans les environs. Atteindre le sommet, redescendre par l'autre versant, main dans la main. Je pense qu'il m'offrira un pétale de muguet après qu'on ait traversé les champs encore humides qui entourent la colline. Je sais qu'une sensation déplaisante m'envahira aussitôt qu'on aura atteint le café près de la route: je devrais essorer mes chaussettes sur le plancher, garder les pieds en éventails pendant un bon moment. Mon camarade soufflera sur leur plante.
Je fais du rangement dans le bureau, déjà je l'entends qui soupire dans le vestibule. Il déteste l'ordre et la propreté, ça le déséquilibre quand il avance dans la maison. Mais si je le laissais gérer les choses à sa manière, tout irait de travers. Je préfère sentir la chaleur du fer sur mes slips, lui ça le répugne. Parfois je lui repasse une jupe, il a les lèvres qui deviennent noires, il sautille partout et grimpe en haut des silos à grain.
"D'ici on entend mieux le ruisseau qui coule sous la propriété. Tiens au fait j'ai croisé la nouvelle bibliothécaire ce matin, elle a une sacrée paire tu verras. Elle a l'air stricte, je doute qu'on puisse continuer de jouer à la belote sur les canapés, comme nous laissais faire l'ancienne. Je dis ça, j'en sais rien. Ce sont ses lunettes qui m'ont donné cette impression de joie soudainement achevée"
Joie soudainement achevée. Moi aussi, j'ai cette impression qui zone en moi depuis quelques semaines. Depuis la mort de notre chien. Un lévrier à tâches, foudroyé par l'immense roue arrière d'un tracteur. Avec mon camarade on a été brûler toute la récolte de ce mec. Il nous en veut pas tout à fait vu qu'il a lui aussi un lévrier à tâches. Il comprend notre peine: sa femme dépose une jarre de confiture le dimanche matin en allant à la messe. Confiture qu'elle prépare avec sa rhubarbe.
"Et au milieu je sais pas trop. Je pense que les récifs n'y sont pas, on peut nager sans craindre pour ses pieds. Une coupure au pied dans l'eau de mer te picote terriblement"
Le vent bouche mes oreilles. Cet été nous avons voyagé sur la côte californienne. San Francisco ça sent comme Bob Saget en fait. Son eau de toilette j'imagine traînait encore dans le coin. Mon camarade était coiffé d'un mulet, hommage à Jesse Katsopolis et à Angus Mac Guyver. On a couru comme des malades sur le pont rouge, ça nous a fait un bien. Le chien était avec nous, il mordait les connards.
Quand il faisait beau on allait profiter des seins nus sur les plages. Comme il faisait beau tous les jours on passait notre temps à faire ça. On discutait beaucoup tous les deux, surtout de Deleuze car on le voyait souvent dans les nuages (c'était notre jeu de l'été, trouver le maximum de philosophe dans les nuages) parfois le chien intervenait. Trois coups d'aboiement indiquaient qu'il avait soif.
Le soir on allait respirer à l'hôtel. On achetait des crayons et on respirait la mine. Coutume de notre jeunesse à tous les deux. La mine taillée je veux dire. On respirait la mine taillée.
"Quelle mouche te pique?" je demande.
"J'en sais rien. Tu sais, elles sont si nombreuses, je ne les reconnais jamais, et puis, elles circulent si vite. Vois comme elles zigzaguent dans la pièce, de véritables bolides mon pote"
Je termine la vaisselle pendant qu'il pisse devant la maison. Il fait bon aujourd'hui, on va aller marcher dans les environs. Atteindre le sommet, redescendre par l'autre versant, main dans la main. Je pense qu'il m'offrira un pétale de muguet après qu'on ait traversé les champs encore humides qui entourent la colline. Je sais qu'une sensation déplaisante m'envahira aussitôt qu'on aura atteint le café près de la route: je devrais essorer mes chaussettes sur le plancher, garder les pieds en éventails pendant un bon moment. Mon camarade soufflera sur leur plante.
Je fais du rangement dans le bureau, déjà je l'entends qui soupire dans le vestibule. Il déteste l'ordre et la propreté, ça le déséquilibre quand il avance dans la maison. Mais si je le laissais gérer les choses à sa manière, tout irait de travers. Je préfère sentir la chaleur du fer sur mes slips, lui ça le répugne. Parfois je lui repasse une jupe, il a les lèvres qui deviennent noires, il sautille partout et grimpe en haut des silos à grain.
"D'ici on entend mieux le ruisseau qui coule sous la propriété. Tiens au fait j'ai croisé la nouvelle bibliothécaire ce matin, elle a une sacrée paire tu verras. Elle a l'air stricte, je doute qu'on puisse continuer de jouer à la belote sur les canapés, comme nous laissais faire l'ancienne. Je dis ça, j'en sais rien. Ce sont ses lunettes qui m'ont donné cette impression de joie soudainement achevée"
Joie soudainement achevée. Moi aussi, j'ai cette impression qui zone en moi depuis quelques semaines. Depuis la mort de notre chien. Un lévrier à tâches, foudroyé par l'immense roue arrière d'un tracteur. Avec mon camarade on a été brûler toute la récolte de ce mec. Il nous en veut pas tout à fait vu qu'il a lui aussi un lévrier à tâches. Il comprend notre peine: sa femme dépose une jarre de confiture le dimanche matin en allant à la messe. Confiture qu'elle prépare avec sa rhubarbe.
"Et au milieu je sais pas trop. Je pense que les récifs n'y sont pas, on peut nager sans craindre pour ses pieds. Une coupure au pied dans l'eau de mer te picote terriblement"
Le vent bouche mes oreilles. Cet été nous avons voyagé sur la côte californienne. San Francisco ça sent comme Bob Saget en fait. Son eau de toilette j'imagine traînait encore dans le coin. Mon camarade était coiffé d'un mulet, hommage à Jesse Katsopolis et à Angus Mac Guyver. On a couru comme des malades sur le pont rouge, ça nous a fait un bien. Le chien était avec nous, il mordait les connards.
Quand il faisait beau on allait profiter des seins nus sur les plages. Comme il faisait beau tous les jours on passait notre temps à faire ça. On discutait beaucoup tous les deux, surtout de Deleuze car on le voyait souvent dans les nuages (c'était notre jeu de l'été, trouver le maximum de philosophe dans les nuages) parfois le chien intervenait. Trois coups d'aboiement indiquaient qu'il avait soif.
Le soir on allait respirer à l'hôtel. On achetait des crayons et on respirait la mine. Coutume de notre jeunesse à tous les deux. La mine taillée je veux dire. On respirait la mine taillée.
vendredi 26 mars 2010
"On peut voir à travers mon corps, voyez? Ma main fait coucou l'autre côté"
Demandez à Rob le facteur, au sujet de Maud.
Une traînée. Aguicheuse, fière, le menton levé, les épaules en arrière, sa poitrine est impressionnante. Le regard sombre mais pétillant elle marche vers les hommes. Les nouveaux. Ils la voient arriver, c'est déjà trop tard, ils veulent tous aller manger quelque part avec elle. Ils y parviennent presque tous, elle les laisse. Besoin de changer de sexe, se lasse vite. Même si elle le trouve joli, assez long, plutôt épais. Maud en fait passer un maximum entre ses lèvres ouvertes. Enfonce ses crocs dans les coeurs fragiles. Ils devraient être mis au courant. Avant d'être enlacés. Avant d'être ligotés. Maud devrait être marquée au fer rouge, sur le front, qu'on la reconnaisse quand elle apparaît à un bal.
"Oui, une croix, sur le front"
Les pensées d'un homme refoulé par cette femme peuvent l'égarer vers des monts aux falaises abruptes. Une chute. Directe, violente, sans roulés-boulés le long d'une pente d'herbe verte. Seule les chèvres ne craignent pas de tomber là. Les bouquetins.
Maud pousse (légère impulsion dans le dos de sa victime, ne regarde pas ce qu'elle fait, agit sans prendre en compte, les conséquences, les déclarations, préfère s'émerveiller du lapin rose qui gambade dans la prairie là-bas) toujours la tête haute, chacun à son tour, même Rob le facteur y passe, du bout de ses doigts gantés de cuir rouge, elle pousse. On finit plus bas, écrasé contre les récifs, empalé sur un stalagmite. Mais toujours sauf, la vie est toujours là, dans un corps coquille mutilé par le choc (un trou dans le ventre, un bras déboîté, une jambe sans rotule) L'homme, la conscience en ébullition, amème de ressasser tout ce qu'il a partagé avec la traînée. Un baiser, une soupe aux carottes, des draps, une bicyclette. Chaque minute compte, chaque échange verbal, chaque promesse spontanée, irréfléchie. Des projets factices, planifiés sans retenue, des mots lancés dans les airs comme ça, comme on jette une endive à la tête d'un piètre chanteur de cabaret.
Rob le facteur pilote une Vespa à toute berzingue sur les routes de campagne.
"J'aimerai être à l'heure pour manger avec ma soeur"
Le courrier était important aujourd'hui, il rentre tard. On voit le paysage défiler dans ce trou au milieu du ventre, les virages sont nombreux, ça serpente en vérité. Pas de grelot sur la mobilette, un klaxon aigu. Le faon ne réagit pas, croque une pomme. Rob envoie valser son engin dans les côtes du pauvre animal, la roue se voile. Rob aurait pu freiner mais il n'y a pas pensé. Le faon est couché ses yeux s'affolent, ils cherchent quelque chose, dansent dans leurs orbites. Une mousse blanche se forme au coin de ses lèvres noires. Son cou ne la supporte plus, la tête s'abat sur le bitume, le facteur s'agenouille à côté et se met à fredonner (à la clairefontaine) Le faon ne ferme pas les yeux, est-il déjà mort?
Rob le facteur s'accorde quelques sanglots, se frotte contre un noisetier. D'une craie il trace des cercles quelconques autour de l'accident. Le périmètre. Rob s'installe, ôte sa casquette, plie sa veste, il va veiller, passer la nuit sur la route, en tailleur. Recouvre d'allumettes enflammées le corps du faon, cuire quelques marshmallows.
"A la belle étoile. La météo prévoit une nuit sans nuages, remplie de lucioles"
Un fumet de barbecue s'élève au dessus de la forêt.
Demandez à Rob le facteur, au sujet de Maud.
Une traînée. Aguicheuse, fière, le menton levé, les épaules en arrière, sa poitrine est impressionnante. Le regard sombre mais pétillant elle marche vers les hommes. Les nouveaux. Ils la voient arriver, c'est déjà trop tard, ils veulent tous aller manger quelque part avec elle. Ils y parviennent presque tous, elle les laisse. Besoin de changer de sexe, se lasse vite. Même si elle le trouve joli, assez long, plutôt épais. Maud en fait passer un maximum entre ses lèvres ouvertes. Enfonce ses crocs dans les coeurs fragiles. Ils devraient être mis au courant. Avant d'être enlacés. Avant d'être ligotés. Maud devrait être marquée au fer rouge, sur le front, qu'on la reconnaisse quand elle apparaît à un bal.
"Oui, une croix, sur le front"
Les pensées d'un homme refoulé par cette femme peuvent l'égarer vers des monts aux falaises abruptes. Une chute. Directe, violente, sans roulés-boulés le long d'une pente d'herbe verte. Seule les chèvres ne craignent pas de tomber là. Les bouquetins.
Maud pousse (légère impulsion dans le dos de sa victime, ne regarde pas ce qu'elle fait, agit sans prendre en compte, les conséquences, les déclarations, préfère s'émerveiller du lapin rose qui gambade dans la prairie là-bas) toujours la tête haute, chacun à son tour, même Rob le facteur y passe, du bout de ses doigts gantés de cuir rouge, elle pousse. On finit plus bas, écrasé contre les récifs, empalé sur un stalagmite. Mais toujours sauf, la vie est toujours là, dans un corps coquille mutilé par le choc (un trou dans le ventre, un bras déboîté, une jambe sans rotule) L'homme, la conscience en ébullition, amème de ressasser tout ce qu'il a partagé avec la traînée. Un baiser, une soupe aux carottes, des draps, une bicyclette. Chaque minute compte, chaque échange verbal, chaque promesse spontanée, irréfléchie. Des projets factices, planifiés sans retenue, des mots lancés dans les airs comme ça, comme on jette une endive à la tête d'un piètre chanteur de cabaret.
Rob le facteur pilote une Vespa à toute berzingue sur les routes de campagne.
"J'aimerai être à l'heure pour manger avec ma soeur"
Le courrier était important aujourd'hui, il rentre tard. On voit le paysage défiler dans ce trou au milieu du ventre, les virages sont nombreux, ça serpente en vérité. Pas de grelot sur la mobilette, un klaxon aigu. Le faon ne réagit pas, croque une pomme. Rob envoie valser son engin dans les côtes du pauvre animal, la roue se voile. Rob aurait pu freiner mais il n'y a pas pensé. Le faon est couché ses yeux s'affolent, ils cherchent quelque chose, dansent dans leurs orbites. Une mousse blanche se forme au coin de ses lèvres noires. Son cou ne la supporte plus, la tête s'abat sur le bitume, le facteur s'agenouille à côté et se met à fredonner (à la clairefontaine) Le faon ne ferme pas les yeux, est-il déjà mort?
Rob le facteur s'accorde quelques sanglots, se frotte contre un noisetier. D'une craie il trace des cercles quelconques autour de l'accident. Le périmètre. Rob s'installe, ôte sa casquette, plie sa veste, il va veiller, passer la nuit sur la route, en tailleur. Recouvre d'allumettes enflammées le corps du faon, cuire quelques marshmallows.
"A la belle étoile. La météo prévoit une nuit sans nuages, remplie de lucioles"
Un fumet de barbecue s'élève au dessus de la forêt.
Le pardessus.
Il pendait à la porte de l'armoire. L'homme l'observait depuis plus d'une heure. De retour du magasin, il l'avait lancé là, geste de négligence. La rancoeur tambourinait sous sa peau. Il s'était affalé dans un profond fauteuil, la tête enfoncée dans la chemise, les sourcils dans les yeux. Il ne bougeait plus. Une jambe seulement tremblait. Il ne l'aimait pas, ce pardessus. Il était bien trop large pour lui, on ne voyait même plus ses mains quand il l'enfilait. Ses épaules doublaient de volume, il avait l'air bouffi, il détestait avoir l'air bouffi. Pourquoi l'avait-il acheté? Lui qui aimait paraître impeccable, que les gens s'arrêtent sur son allure, qu'on le félicite.
"Je vous trouve très élégant"
(Les mains dans les poches du pardessus) A travers le tissus, il pince du bout des ongles. Il pince le velours gris du pantalon. En le remontant, il sent l'air immerger ses fines chaussettes à motifs jacquard. Puis sa bouche se tord, il n'a jamais vu cette petite fille dans sa rue. Vêtue d'un manteau bleu marine en laine elle court après un rouge gorge peu craintif. Un noeud vert dans les cheveux, sympathique boule capillaire blonde. Blancheur enfantine.
"C'est idiot" dit-il en pliant le bras devant son torse. Il le remonte doucement, avançant son poignet à bonne distance de sa figure, permettant de jeter un coup d'oeil à sa montre. "Si je n'avais cet absurde rendez-vous chez le dentiste, j'offrirai sans attendre un thé à cette jeunette"
L'enfant trotte toujours sur la chaussée, au ralenti, les yeux pétillants (pensez aux rayons d'une bicyclette scintillants sous le soleil d'avril) Son écharpe décrit des mouvements amples et souples, animée par la course et la bise. La même qui souffle dans les cheveux de cet homme qui s'apprête à arpenter les trottoirs de la ville. Pour se rendre chez le dentiste.
Une neige se met à tomber, lentement, recouvrant les arbres et les chapeaux. Une neige de sucre, saupoudrée par quelques types en redingotes. Du haut de leurs échasses, ces types parlent fort de manière à ce que tout le monde entende. C'est ce que font les gens importants. Ceux qui ont des choses à dire. Ceux qui connaissent. (Ils ont le savoir et le font ouïr)
Le rouge gorge ne peut plus voler, écrasé sous le poids du sucre. La petite fille se met à pleurer, elle le saisit, le porte à ses petites lèvres.
"Je n'irai pas chez le dentiste ce matin" hurle l'homme en crachant chaque syllabes devant lui. Sa moustache soyeuse s'ébouriffe à mesure qu'il crache, de puissants souffles surgissent à toute vitesse de ses narines. Il fait craquer sa nuque d'un vif mouvement du chef, retrousse son pantalon de velours gris et... Promptement il soulève la jeunette, la prenant à bras tendus, sous les aisselles. Au dépourvu. L'homme court à présent sans savoir où aller. Il sait qu'il ne peut pas la ramener chez lui, que dirait sa femme?
Les types en redingote se sont arrêter sur leurs échasses non loin de là, à l'entrée d'un domaine boisé. Ils décident du chemin. Par où faut il poursuivre la semence? Par les champs ou par le bois, de toute manière le canton est à recouvrir, il s'agit d'être méthodique.
"Méthodique!" brame l'homme au pardessus. "Méthodique, il me faut une méthode si je veux séduire cette fille dans les règles"
L'enfant ne bronche plus, caresse le rouge gorge, le réchauffe dans ses petits doigts. Ses larmes ont vite séchées. Sa tête remue car l'homme n'est pas habile avec elle lorsqu'il court.
Il pendait à la porte de l'armoire. L'homme l'observait depuis plus d'une heure. De retour du magasin, il l'avait lancé là, geste de négligence. La rancoeur tambourinait sous sa peau. Il s'était affalé dans un profond fauteuil, la tête enfoncée dans la chemise, les sourcils dans les yeux. Il ne bougeait plus. Une jambe seulement tremblait. Il ne l'aimait pas, ce pardessus. Il était bien trop large pour lui, on ne voyait même plus ses mains quand il l'enfilait. Ses épaules doublaient de volume, il avait l'air bouffi, il détestait avoir l'air bouffi. Pourquoi l'avait-il acheté? Lui qui aimait paraître impeccable, que les gens s'arrêtent sur son allure, qu'on le félicite.
"Je vous trouve très élégant"
(Les mains dans les poches du pardessus) A travers le tissus, il pince du bout des ongles. Il pince le velours gris du pantalon. En le remontant, il sent l'air immerger ses fines chaussettes à motifs jacquard. Puis sa bouche se tord, il n'a jamais vu cette petite fille dans sa rue. Vêtue d'un manteau bleu marine en laine elle court après un rouge gorge peu craintif. Un noeud vert dans les cheveux, sympathique boule capillaire blonde. Blancheur enfantine.
"C'est idiot" dit-il en pliant le bras devant son torse. Il le remonte doucement, avançant son poignet à bonne distance de sa figure, permettant de jeter un coup d'oeil à sa montre. "Si je n'avais cet absurde rendez-vous chez le dentiste, j'offrirai sans attendre un thé à cette jeunette"
L'enfant trotte toujours sur la chaussée, au ralenti, les yeux pétillants (pensez aux rayons d'une bicyclette scintillants sous le soleil d'avril) Son écharpe décrit des mouvements amples et souples, animée par la course et la bise. La même qui souffle dans les cheveux de cet homme qui s'apprête à arpenter les trottoirs de la ville. Pour se rendre chez le dentiste.
Une neige se met à tomber, lentement, recouvrant les arbres et les chapeaux. Une neige de sucre, saupoudrée par quelques types en redingotes. Du haut de leurs échasses, ces types parlent fort de manière à ce que tout le monde entende. C'est ce que font les gens importants. Ceux qui ont des choses à dire. Ceux qui connaissent. (Ils ont le savoir et le font ouïr)
Le rouge gorge ne peut plus voler, écrasé sous le poids du sucre. La petite fille se met à pleurer, elle le saisit, le porte à ses petites lèvres.
"Je n'irai pas chez le dentiste ce matin" hurle l'homme en crachant chaque syllabes devant lui. Sa moustache soyeuse s'ébouriffe à mesure qu'il crache, de puissants souffles surgissent à toute vitesse de ses narines. Il fait craquer sa nuque d'un vif mouvement du chef, retrousse son pantalon de velours gris et... Promptement il soulève la jeunette, la prenant à bras tendus, sous les aisselles. Au dépourvu. L'homme court à présent sans savoir où aller. Il sait qu'il ne peut pas la ramener chez lui, que dirait sa femme?
Les types en redingote se sont arrêter sur leurs échasses non loin de là, à l'entrée d'un domaine boisé. Ils décident du chemin. Par où faut il poursuivre la semence? Par les champs ou par le bois, de toute manière le canton est à recouvrir, il s'agit d'être méthodique.
"Méthodique!" brame l'homme au pardessus. "Méthodique, il me faut une méthode si je veux séduire cette fille dans les règles"
L'enfant ne bronche plus, caresse le rouge gorge, le réchauffe dans ses petits doigts. Ses larmes ont vite séchées. Sa tête remue car l'homme n'est pas habile avec elle lorsqu'il court.
jeudi 25 mars 2010
Il y a toujours un goût de mélancolie qui traîne. Il ondule comme une vague de chaleur au dessus d'un grille-pain. Les gestes lents on avance sans grande conviction. L'esprit livré trop longtemps à lui même s'expose à l'ennui, il faut alors l'occuper, mettre en branle ses mains, ses coudes, son torse, ses hanches. Ou simplement sa cervelle, qu'elle travaille, ses yeux suivent les lignes d'un ouvrage. On écoute une pièce. Le poignet trace des lignes sur une toile pendue. Le problème peut alors venir de l'humeur: a t-on l'envie suffisante, la motivation nécessaire, le goût adéquat à l'activité entamée? Il faut faire face à un choix, bien déterminer ce que l'on veut faire. Réflexion faite. Le choix n'est jamais heureux, il implique de mettre de côté un certain nombre de choses. Peut-être aura t-on le temps de s'en occuper plus tard, de ces choses? Le tout est de se concentrer sur son choix, ne pas faire marche arrière. Ne pas mélanger, ou pas trop. S'atteler à plusieurs projets à la foi est risqué, on fait tout assez négligemment, de travers. Néanmoins la concentration n'est pas une mince affaire, les pensées divergent facilement, on ne les contrôle qu'à moitié, l'esprit est autonome oui. On en arrive vite à ne rien faire, à force de trop réfléchir. On ne fait rien, non, mais on réfléchit. C'est ce que fait l'homme quand il ne fait rien. On reste assis, on se demande ce qu'on va vivre, la semaine prochaine, dans un mois, l'année suivante. On s'interroge, on espère que sa grand-mère sera toujours vivante quand on va rentrer, on se dit qu'on n'a pas vécu assez de choses avec elle. On voudrait commencer à s'activer, immédiatement, mais le corps ne répond pas. C'est la flegme. La flegme est-elle néfaste? Tout dépend du contexte, de l'urgence. On se lasse, alors on se lève, on balaie d'un revers de la main le tas de miettes de pain, et on tourne en rond dans la pièce, enfin on essaye, car il y a des objets, des tables, des malles, des grandes feuilles étalées par terre, il faut les éviter, les cercles sont maladroits, on effectue plutôt des patates sur le sol. On est enfin occupé, un petit moment. Tant qu'on est debout à tourner, on se déplace dans le bâtiment, on croise des gens, on parle un peu, des bribes de conversations, sans intérêt. Mais la présence humaine est importante quelquefois, j'entends le contact avec une autre personne que soi-même. Quand on a assez consommé de présence humaine, on retourne s'asseoir et on regarde devant, les oiseaux chantent dehors il fait beau il fait plutôt bon, encore un peu frais, on enlève son pull, le printemps est arrivé. L'hiver a été long. La vitre de la fenêtre en face est brouillée, il y a des bosses, c'est flou, on ne voit pas bien l'extérieur. Simplement les formes, les couleurs. Et encore, ça reste pâle. C'est un peu triste. Un tissu rouge flotte avec le vent. On pense à la plage, on voudrait sentir le sable glisser entre ses doigts de pieds. Expérimenter une flegme idéale. La bise pousse le voilier au fond. On voudrait s'allonger sur la chaise longue qu'on voit vide sur le pont, siroter une citronnade fraîche. Fermer les yeux et rester tranquille.
mardi 2 février 2010
Je poussais la bicyclette sur le trottoir, mes compagnons marchaient mollement devant moi. Bent était le plus saoul d'entre nous, il traînait des souliers sur le sol givré. Les murs autour étaient en plâtre, mais pas un seul n'était élégant, pas un seul ne valait le détour, ils avaient tous été bâclés par le maçon. Des bosses et des creux. Des fissures, craquelures et gerçures sur toute la surface. Pourtant cette rue aux murs en plâtre était fréquentée par les touristes en été.
"Tu... tu l'aimes... ou tu fais semblant?" demanda Bent.
"De qui tu parles?" demanda Filip.
"A qui tu parles?" demanda Robbe.
Bent s'arrêta de traîner des souliers, il avait une mèche grasse de cheveux bruns dans les yeux et passait régulièrement sa langue sur sa moustache garnie de chips. Des morceaux tombaient sur sa chemise.
"Je l'ai embrassée... à un bal l'année dernière. On dansait de manière décadente tous les deux"
"De qui tu parles?" je demandai à mon tour.
"Elle m'a demandé de tes nouvelles hier, je crois qu'elle est triste de ne plus te voir. Et tu la méprises, qu'elle me disait, c'est une chouette fille, tu devrais prendre soin d'elle, lui presser des oranges et du citron le matin, la recouvrir de sperme l'après-midi. Tiens, demande à ta grand-mère de lui tricoter une cape"
Silence. Plus personne ne parlait. De grands oiseaux descendaient du ciel à toute vitesse, leurs ailes fendaient l'air dans un concert de sifflets. Ils se dirigeaient droit vers l'amas de couvertures en flammes, non loin de là, sur le toit de la petite église (en fait elle n'avait plus rien de religieux, au fond, à droite de l'autel, une petite porte menait au café)
L'hiver durait. Les cheminées crachaient souvent des nuages gris ou blancs. Dans les forêts les bûcherons tabassaient les boulots avec des haches immenses. La sueur coulaient à leurs pieds en faisant fondre la neige.
"Une cape en laine?" demanda Filip.
Bent acquiesça.
"On appelle ça un châle, ma soeur en met un pour aller à l'école" rétorqua Robbe.
Des gens passaient en voiture, la neige fondue giclait derrière, les chevaux chantaient. J'avais drôlement faim, je fourrai mes mains dans les poches de mon pantalon, les retournai, mais seule une moitié de carte téléphonique y figurait. Le bout de plastique tomba par terre. On arrêta tous d'avancer, on regardait la puce refléter la lune blanche. Je baillai, ma mâchoire se bloqua. Je me mis à agiter la langue dans tous les sens en émettant quelques sons rauques. La bicyclette s'étala sur la route.
"Quel est ce... ça, c'est quoi?" demanda Filip.
Personne ne lui répondit. Moi je ne pouvais pas.
Bent me fixait depuis un moment déjà, je sentais son regard traverser ma glotte.
"Que fais ce débile avec la bouche grande ouverte?"
Robbe leva la tête vers moi.
"Ah tiens oui on dirait un pélican"
On a repris notre marche.
Je commençais à avoir très mal. Le vent froid pénétrait à l'intérieur de mon organisme, je sentais mes poumons se congeler peu à peu. Je ne pouvais toujours pas parler, j'avais peur à présent, combien de temps allais-je rester comme ça? C'était une situation complètement idiote, je devais avoir l'air étrange.
Les yeux de Bent devenaient noirs, il pestait régulièrement, tout allait de travers selon lui, et je l'exaspérais à garder la bouche ouverte. Son esprit n'était pas serein.
"Arrête de jouer au con, j'ai horreur des cons, s'il te plaît, tu fais chier"
Les doigts de sa mains gauche s'agitaient drôlement quand il parlait, hystériques. Ils avaient des convulsions.
Ma langue s'était engourdie, à force de remuer. Elle devait geler elle aussi, mais je ne la sentais plus. Je continuais vaguement de faire sortir ces sons par ma gorge, des râles. En les entendant, quelques images de lapins morts, éclatés contre des poteaux, me revenaient. Je croyais souvent sentir l'haleine de ma grand-mère derrière moi. Elle posait sa main sur mon épaule et frottait sa joue contre la mienne. Sa peau ridée était molle, comme du caramel chaud, c'était agréable.
"Moi je prend ce chemin là, salut" dit Bent, l'air grave.
"De quel chemin tu parles Bent?" demanda Filip.
"Il n'y a rien par là Bent" affirma Robbe.
En effet il n'y avait pas de chemin. Bent était face au mur de plâtre, il avait fait entrer sa tête dans une cavité parfaitement adaptée à la taille de son crâne. Il appliquait ses paumes contre le mur, provoquant une drôle d'impulsion en pliant les bras. On entendait bien qu'il essayait de nous dire des choses, mais le grain de sa voix était trop caverneux, tout était confus, les mots s'emmêlaient les uns aux autres. Filip se mit à courir. Je l'observais, intrigué. Il arrivait déjà au bout de la rue, à l'intersection, il agitait les bras vers nous. Il traversa, tapa du pied contre un réverbère (de la neige tomba sur ses cheveux) puis il revint aussi vite qu'il était parti.
"Robbe, je veux rentrer je suis fatigué, je suis désolé, je sais qu'on devait blanchir notre nuit, mais Bent n'est plus là, il a la tête ailleurs, et l'autre joue au con, et ça m'énerve beaucoup, je m'excuse Robbe, on se reverra, salut"
Robbe n'écoutait pas, il essayait de faire entrer sa tête dans une cavité semblable à celle de Bent. L'ouverture n'était pas assez grande. Il faut dire que Robbe a le crâne large. Filip se remit à courir dans la même direction que juste avant. Je l'observais, intrigué. Il arrivait déjà au bout de la rue, à l'intersection, il agitait les bras vers nous. Il traversa, tapa du pied contre un réverbère (le clocher de la petite église sonnait 4 heures) puis il revint aussi vite qu'il était parti.
"Qu'as tu voulus dire Filip? Je n'ai pas écouté" demanda Robbe en renonçant à la cavité trop étroite.
"Je n'ai rien dit Robe. Je m'inquiète seulement de l'espérance de vie de ce débile" fit-il en agitant le pouce vers moi.
"Je ne crois pas que ses jours soient comptés, Filip. Crois-moi, il va nous agacer encore un temps"
Les paroles de Robbe me rassurèrent. Je voulais sourire mais n'y parvenais évidemment pas. Je sentis mon coeur se réchauffer légèrement, faisant circuler du sang tiède dans mes veines. Seuls mes yeux devaient s'illuminer, j'imaginais. Mais j'avais toujours cette atroce douleur à la mâchoire, et j'entendais de moins en moins bien. Mes oreilles se bouchaient, comme si je passais sous un tunnel. Aux côtés de ma soeur dans le train, on allait dans les Vosges faire du ski. Sous Paris il pleuvait un peu, ma soeur pleurait un peu quand on se retrouvait sous un tunnel. Mais elle n'était pas encore né quand mon père et moi s'amusions à crier dans ce tube de béton au milieu du parc. Elle était toujours dans le gros ventre de ma mère, qui marchait avec Nadine en prenant des photos.
"Robbe, tu sais, je t'aime. Et si tu devais mourir avant moi, je viendrais à ton enterrement. Pendant que le curé déballerait toutes ses saloperies d'usage, je viendrais te rejoindre dans le cercueil. J'enlèverais ton pantalon, ton caleçon large, tes chaussettes, et je poserais ma tête aux côtés de ce sexe sans vie. Tu comprends Robbe? Je t'aime, comme un fou"
Robbe ne comprenait apparemment pas. Sa bouche avait pris une forme bizarre, genre cul de poule, mais en plus large.
"DO, BULU... TUK"
Des syllabes dégringolaient de ses lèvres, ça n'avait pas de sens, je respirais très mal. Il semblait que mes poumons rétrécissaient, ça me lançait furieusement.
"Que veux-tu dire Robbe? Parle moi clairement, tu m'effraies tout à coup à faire le pitre"
"FRU, FILIBI..."
Il se remit à neiger dru. Des bûcherons sortaient de chez eux debout sur leurs luges.
"STACK, FLOP"
"Merde Robbe tu vas pas me faire ça à moi! Ne me dis pas que... tu... Tu joues au con, c'est ça? Tu joues au con comme l'autre!"
Filip reculait, doucement, les yeux remplis de terreur. Il se sentait terriblement seul. Intérieurement je jouissais. Je ne comprenais pas non plus ce qui arrivait à Robbe, mais voir Filip en état de panique me rendait joyeux. Bent marmonnait quelques balivernes incompréhensibles, la tête toujours calée dans la cavité du mur en plâtre. Filip était bien finalement le seul type que je n'ai jamais pu supporter. Filip était un type méprisant, sournois. Il n'aimait pas les faibles. Filip grimpa dans un bus et s'en alla. Il plaqua sa figure contre la vitre arrière, nous regardant nous éloigner à mesure que le bus avançait lentement sous la neige, dans la rue aux murs en plâtre. Sa manche venait parfois essuyer la buée provoquée par son souffle vif. Le souffle saccadé d'un homme en effroi. Je ne savais pas combien de temps j'allais tenir dans cet état, mais j'étais heureux de vivre ces derniers instants aux côtés d'êtres chers. Sous la neige.
"BULU, CLOCK... TUK" fit Robbe, alors que mon pouls n'atteignait plus qu'une dizaine de pulsations par minute.
"Tu... tu l'aimes... ou tu fais semblant?" demanda Bent.
"De qui tu parles?" demanda Filip.
"A qui tu parles?" demanda Robbe.
Bent s'arrêta de traîner des souliers, il avait une mèche grasse de cheveux bruns dans les yeux et passait régulièrement sa langue sur sa moustache garnie de chips. Des morceaux tombaient sur sa chemise.
"Je l'ai embrassée... à un bal l'année dernière. On dansait de manière décadente tous les deux"
"De qui tu parles?" je demandai à mon tour.
"Elle m'a demandé de tes nouvelles hier, je crois qu'elle est triste de ne plus te voir. Et tu la méprises, qu'elle me disait, c'est une chouette fille, tu devrais prendre soin d'elle, lui presser des oranges et du citron le matin, la recouvrir de sperme l'après-midi. Tiens, demande à ta grand-mère de lui tricoter une cape"
Silence. Plus personne ne parlait. De grands oiseaux descendaient du ciel à toute vitesse, leurs ailes fendaient l'air dans un concert de sifflets. Ils se dirigeaient droit vers l'amas de couvertures en flammes, non loin de là, sur le toit de la petite église (en fait elle n'avait plus rien de religieux, au fond, à droite de l'autel, une petite porte menait au café)
L'hiver durait. Les cheminées crachaient souvent des nuages gris ou blancs. Dans les forêts les bûcherons tabassaient les boulots avec des haches immenses. La sueur coulaient à leurs pieds en faisant fondre la neige.
"Une cape en laine?" demanda Filip.
Bent acquiesça.
"On appelle ça un châle, ma soeur en met un pour aller à l'école" rétorqua Robbe.
Des gens passaient en voiture, la neige fondue giclait derrière, les chevaux chantaient. J'avais drôlement faim, je fourrai mes mains dans les poches de mon pantalon, les retournai, mais seule une moitié de carte téléphonique y figurait. Le bout de plastique tomba par terre. On arrêta tous d'avancer, on regardait la puce refléter la lune blanche. Je baillai, ma mâchoire se bloqua. Je me mis à agiter la langue dans tous les sens en émettant quelques sons rauques. La bicyclette s'étala sur la route.
"Quel est ce... ça, c'est quoi?" demanda Filip.
Personne ne lui répondit. Moi je ne pouvais pas.
Bent me fixait depuis un moment déjà, je sentais son regard traverser ma glotte.
"Que fais ce débile avec la bouche grande ouverte?"
Robbe leva la tête vers moi.
"Ah tiens oui on dirait un pélican"
On a repris notre marche.
Je commençais à avoir très mal. Le vent froid pénétrait à l'intérieur de mon organisme, je sentais mes poumons se congeler peu à peu. Je ne pouvais toujours pas parler, j'avais peur à présent, combien de temps allais-je rester comme ça? C'était une situation complètement idiote, je devais avoir l'air étrange.
Les yeux de Bent devenaient noirs, il pestait régulièrement, tout allait de travers selon lui, et je l'exaspérais à garder la bouche ouverte. Son esprit n'était pas serein.
"Arrête de jouer au con, j'ai horreur des cons, s'il te plaît, tu fais chier"
Les doigts de sa mains gauche s'agitaient drôlement quand il parlait, hystériques. Ils avaient des convulsions.
Ma langue s'était engourdie, à force de remuer. Elle devait geler elle aussi, mais je ne la sentais plus. Je continuais vaguement de faire sortir ces sons par ma gorge, des râles. En les entendant, quelques images de lapins morts, éclatés contre des poteaux, me revenaient. Je croyais souvent sentir l'haleine de ma grand-mère derrière moi. Elle posait sa main sur mon épaule et frottait sa joue contre la mienne. Sa peau ridée était molle, comme du caramel chaud, c'était agréable.
"Moi je prend ce chemin là, salut" dit Bent, l'air grave.
"De quel chemin tu parles Bent?" demanda Filip.
"Il n'y a rien par là Bent" affirma Robbe.
En effet il n'y avait pas de chemin. Bent était face au mur de plâtre, il avait fait entrer sa tête dans une cavité parfaitement adaptée à la taille de son crâne. Il appliquait ses paumes contre le mur, provoquant une drôle d'impulsion en pliant les bras. On entendait bien qu'il essayait de nous dire des choses, mais le grain de sa voix était trop caverneux, tout était confus, les mots s'emmêlaient les uns aux autres. Filip se mit à courir. Je l'observais, intrigué. Il arrivait déjà au bout de la rue, à l'intersection, il agitait les bras vers nous. Il traversa, tapa du pied contre un réverbère (de la neige tomba sur ses cheveux) puis il revint aussi vite qu'il était parti.
"Robbe, je veux rentrer je suis fatigué, je suis désolé, je sais qu'on devait blanchir notre nuit, mais Bent n'est plus là, il a la tête ailleurs, et l'autre joue au con, et ça m'énerve beaucoup, je m'excuse Robbe, on se reverra, salut"
Robbe n'écoutait pas, il essayait de faire entrer sa tête dans une cavité semblable à celle de Bent. L'ouverture n'était pas assez grande. Il faut dire que Robbe a le crâne large. Filip se remit à courir dans la même direction que juste avant. Je l'observais, intrigué. Il arrivait déjà au bout de la rue, à l'intersection, il agitait les bras vers nous. Il traversa, tapa du pied contre un réverbère (le clocher de la petite église sonnait 4 heures) puis il revint aussi vite qu'il était parti.
"Qu'as tu voulus dire Filip? Je n'ai pas écouté" demanda Robbe en renonçant à la cavité trop étroite.
"Je n'ai rien dit Robe. Je m'inquiète seulement de l'espérance de vie de ce débile" fit-il en agitant le pouce vers moi.
"Je ne crois pas que ses jours soient comptés, Filip. Crois-moi, il va nous agacer encore un temps"
Les paroles de Robbe me rassurèrent. Je voulais sourire mais n'y parvenais évidemment pas. Je sentis mon coeur se réchauffer légèrement, faisant circuler du sang tiède dans mes veines. Seuls mes yeux devaient s'illuminer, j'imaginais. Mais j'avais toujours cette atroce douleur à la mâchoire, et j'entendais de moins en moins bien. Mes oreilles se bouchaient, comme si je passais sous un tunnel. Aux côtés de ma soeur dans le train, on allait dans les Vosges faire du ski. Sous Paris il pleuvait un peu, ma soeur pleurait un peu quand on se retrouvait sous un tunnel. Mais elle n'était pas encore né quand mon père et moi s'amusions à crier dans ce tube de béton au milieu du parc. Elle était toujours dans le gros ventre de ma mère, qui marchait avec Nadine en prenant des photos.
"Robbe, tu sais, je t'aime. Et si tu devais mourir avant moi, je viendrais à ton enterrement. Pendant que le curé déballerait toutes ses saloperies d'usage, je viendrais te rejoindre dans le cercueil. J'enlèverais ton pantalon, ton caleçon large, tes chaussettes, et je poserais ma tête aux côtés de ce sexe sans vie. Tu comprends Robbe? Je t'aime, comme un fou"
Robbe ne comprenait apparemment pas. Sa bouche avait pris une forme bizarre, genre cul de poule, mais en plus large.
"DO, BULU... TUK"
Des syllabes dégringolaient de ses lèvres, ça n'avait pas de sens, je respirais très mal. Il semblait que mes poumons rétrécissaient, ça me lançait furieusement.
"Que veux-tu dire Robbe? Parle moi clairement, tu m'effraies tout à coup à faire le pitre"
"FRU, FILIBI..."
Il se remit à neiger dru. Des bûcherons sortaient de chez eux debout sur leurs luges.
"STACK, FLOP"
"Merde Robbe tu vas pas me faire ça à moi! Ne me dis pas que... tu... Tu joues au con, c'est ça? Tu joues au con comme l'autre!"
Filip reculait, doucement, les yeux remplis de terreur. Il se sentait terriblement seul. Intérieurement je jouissais. Je ne comprenais pas non plus ce qui arrivait à Robbe, mais voir Filip en état de panique me rendait joyeux. Bent marmonnait quelques balivernes incompréhensibles, la tête toujours calée dans la cavité du mur en plâtre. Filip était bien finalement le seul type que je n'ai jamais pu supporter. Filip était un type méprisant, sournois. Il n'aimait pas les faibles. Filip grimpa dans un bus et s'en alla. Il plaqua sa figure contre la vitre arrière, nous regardant nous éloigner à mesure que le bus avançait lentement sous la neige, dans la rue aux murs en plâtre. Sa manche venait parfois essuyer la buée provoquée par son souffle vif. Le souffle saccadé d'un homme en effroi. Je ne savais pas combien de temps j'allais tenir dans cet état, mais j'étais heureux de vivre ces derniers instants aux côtés d'êtres chers. Sous la neige.
"BULU, CLOCK... TUK" fit Robbe, alors que mon pouls n'atteignait plus qu'une dizaine de pulsations par minute.
samedi 30 janvier 2010
Alors quand on ouvre la bouche, ça a le goût sucré de la rhubarbe mais ça n'a rien à faire là, dans le petit magasin. Il est toujours agréable d'y pénétrer, on pousse la porte en verre, elle est d'époque, comme les pavés dans la ruelle, ça tintinnabule au dessus de notre tête. On peut compter sur le vieil homme aux boucles grises qui dépassent de son chapeau, elles tourbillonnent calmement le long de ses tempes. Lorsqu'il tourne la tête à droite ou à gauche elles s'énervent. La colère reste douce, sans brutalité. On peut compter sur lui pour nous surprendre, il transporte une grosse pierre sur un diable. Le diable l'attend au milieu de la ruelle, le passage est obstrué mais les gens comprennent. Lui il boit, à mesure que les jours dégoulinent le long du réverbère isolé dans le renfoncement, éclairant les sacs poubelles entassés. Les rats s'amusent avec les ficelles de plastique blanc. Les pigeons restent dans la gouttière, ils apprécient la présence du vieux, les coudes plantés dans la table minuscule, posée sur les pavés. Lorsqu'il porte la tasse de café à ses lèvres, s'ensuit une longue et délicieuse symphonie, la glougloute. Derrière la vitrine les jeunes vendeuses du petit magasin sont souriantes.
"La bouilloire fait du bruit Veronik"
"Je m'en occupe tout de suite"
Un garçon passe par là, il s'arrête, laisse traîner son regard sur quelques livres. Veronik est dans la cuisine, elle verse l'eau chaude dans les tasses. Elle aime cette vapeur qui s'élève au dessus des sachets. La vapeur de camomille. Elle crie:
"Tu te souviens de ce contrôleur qui marchait en équilibre sur les rails?"
"Quoi?"
"Il avançait vite, on attendait notre wagon"
"Je ne comprends pas Veronik"
Le garçon garde son écharpe mais entre dans le magasin, ça tintinnabule, il court dans les étroits rayons. Son sac en bandoulière est complètement fou, il dérange les étagères, tout finit par terre.
"Veronik viens vite j'ai peur de cet étudiant! Il veut retourner notre petit magasin!"
Le garçon est confus. Veronik apparaît à la porte de la cuisine, elle ne comprend pas, elle non plus. Le garçon arrache la tapisserie fleurie qui recouvre un meuble ancien.
"Mais ça n'a rien à faire là ça les filles! Combien je vous dois, combien je vous dois?"
Ce jeune homme est excité comme une puce. Ses jambes fines, arquées telles les pattes d'araignée, le fond bondir à travers l'espace. Il lance sa carte banquaire dans les airs, hurle une série de chiffres que Veronik s'empresse de plaquer contre les murs. Et il s'éclipse en tintinnabulant.
Le vieux a suivi la scène sans grande passion. Il bougonne derrière le prospectus des machines à coudre Singer. On entend les mobylettes qui pétaradent derrière le pâté de maison, sur la grand rue qui mène au presbytère.
Quand une pin-up vient à passer dans la ruelle, le vieux lui propose d'essayer un costume de danse moderne en lycra, qu'il garde dans sa sacoche depuis très longtemps. Ces filles ne portent jamais de soutien-gorge, il peut donc passer ses mains aux gros doigts sur leurs poitrines naissantes. Mal-voyant, son sens du toucher s'est largement amplifié avec les années.
"Oh vous alors monsieur Cunningham, vous savez parler aux femmes"
La fille frissonne, la blancheur de ses seins...
Le vieux respire fort en la regardant danser autour du diable, elle grimpe ensuite sur la pierre et secoue son corps mince (mouvements amples avec les bras) Quand tout est fini, le vieux remercie tout bas, c'est inaudible, il présente son crâne dégarnis, la fille se rhabille, puis s'en va à son cour étudier Flaubert. Le costume en lycra gît sur les pavés, couvert d'un mélange de sueurs juvéniles. Le soir avant l'arrivée du sommeil le vieil homme se met nu et s'enroule dedans. Je comprends son raisonnement, j'aurais la même approche.
(Admettons: un type arrive tout droit de Pologne, coiffé d'un couvre-chef traditionnel, quoique arrangé sur les côtés, il déborde de bonne volonté, son énergie est à revendre. Ce type a des boucles dans les cheveux, elles sont fraîches, il est jeune. Dans une rue étroite de la ville il découvre un magasin de choses tenu par deux femmes enceintes, il s'y installe, lit la fortune des gens qui passent: il leur offre une tasse de café, quand elle est vide il la retourne, la plaque sur une feuille de papier, de manière à ce que les dernières gouttes s'y répandent en formant un cercle. Sur les bords intérieurs de la tasse, le café a dégouliné en dessinant des formes variables. C'est dans ces formes marrons que le polonais va pratiquer la lecture du destin du buveur de café)
Quand je me retrouve buveur de café, le vieux évoque mon passé proche (quelques jours auparavant) et il a tout bon. J'ai peur je m'accroche à ses petits yeux en pinçant le globe. Des perturbations, une dynamique en cour, rien de définitif, des événements explosifs. Après avoir étudié les formes marrons sur les parois intérieures (des formes étranges, deux silhouettes fantomatiques dans une forêt sombre) il me demande de planter un doigt dans le fond (il reste un peu de café là) et d'appliquer ensuite ce doigt sur la paroi vierge (celle opposée à mon sens de dégustation: je suis droitier, je tiens la tasse de la main droite, deux doigts dans l'anse, le liquide a donc coulé à gauche de l'anse) La trace que je laisse sur la paroi vierge lui paraît vraiment mystérieuse. Elle décrit une sorte d'arc de cercle incomplet (la forme de mon ongle, en fait) Il pense que je vais devoir me battre pour atteindre mes objectifs. Toute cette mascarade me fiche hors de moi, je n'ai aucune envie de me battre, alors je décoche une belle droite dans la joue du vieux et prend la fuite. Je fais demi-tour en arrivant à la fin de la ruelle. Le vieux rit en comprenant que je suis revenu, il veut me donner une tape dans le dos, mais son bras brasse de l'air. Je ris avec lui. Les vendeuses du petit magasin nous regardent, elles rient aussi.
"Quand on est monté dans le wagon, on a immédiatement regretté notre départ, tu te rappelles? On a demandé au chauffeur de nous arrêter sur un viaduc"
"Je ne comprends pas ce que tu dis Veronik"
"Attends je vais faire chauffer de l'eau pour le thé. Je te parlerais du contrôleur après"
"Quoi?"
"La bouilloire fait du bruit Veronik"
"Je m'en occupe tout de suite"
Un garçon passe par là, il s'arrête, laisse traîner son regard sur quelques livres. Veronik est dans la cuisine, elle verse l'eau chaude dans les tasses. Elle aime cette vapeur qui s'élève au dessus des sachets. La vapeur de camomille. Elle crie:
"Tu te souviens de ce contrôleur qui marchait en équilibre sur les rails?"
"Quoi?"
"Il avançait vite, on attendait notre wagon"
"Je ne comprends pas Veronik"
Le garçon garde son écharpe mais entre dans le magasin, ça tintinnabule, il court dans les étroits rayons. Son sac en bandoulière est complètement fou, il dérange les étagères, tout finit par terre.
"Veronik viens vite j'ai peur de cet étudiant! Il veut retourner notre petit magasin!"
Le garçon est confus. Veronik apparaît à la porte de la cuisine, elle ne comprend pas, elle non plus. Le garçon arrache la tapisserie fleurie qui recouvre un meuble ancien.
"Mais ça n'a rien à faire là ça les filles! Combien je vous dois, combien je vous dois?"
Ce jeune homme est excité comme une puce. Ses jambes fines, arquées telles les pattes d'araignée, le fond bondir à travers l'espace. Il lance sa carte banquaire dans les airs, hurle une série de chiffres que Veronik s'empresse de plaquer contre les murs. Et il s'éclipse en tintinnabulant.
Le vieux a suivi la scène sans grande passion. Il bougonne derrière le prospectus des machines à coudre Singer. On entend les mobylettes qui pétaradent derrière le pâté de maison, sur la grand rue qui mène au presbytère.
Quand une pin-up vient à passer dans la ruelle, le vieux lui propose d'essayer un costume de danse moderne en lycra, qu'il garde dans sa sacoche depuis très longtemps. Ces filles ne portent jamais de soutien-gorge, il peut donc passer ses mains aux gros doigts sur leurs poitrines naissantes. Mal-voyant, son sens du toucher s'est largement amplifié avec les années.
"Oh vous alors monsieur Cunningham, vous savez parler aux femmes"
La fille frissonne, la blancheur de ses seins...
Le vieux respire fort en la regardant danser autour du diable, elle grimpe ensuite sur la pierre et secoue son corps mince (mouvements amples avec les bras) Quand tout est fini, le vieux remercie tout bas, c'est inaudible, il présente son crâne dégarnis, la fille se rhabille, puis s'en va à son cour étudier Flaubert. Le costume en lycra gît sur les pavés, couvert d'un mélange de sueurs juvéniles. Le soir avant l'arrivée du sommeil le vieil homme se met nu et s'enroule dedans. Je comprends son raisonnement, j'aurais la même approche.
(Admettons: un type arrive tout droit de Pologne, coiffé d'un couvre-chef traditionnel, quoique arrangé sur les côtés, il déborde de bonne volonté, son énergie est à revendre. Ce type a des boucles dans les cheveux, elles sont fraîches, il est jeune. Dans une rue étroite de la ville il découvre un magasin de choses tenu par deux femmes enceintes, il s'y installe, lit la fortune des gens qui passent: il leur offre une tasse de café, quand elle est vide il la retourne, la plaque sur une feuille de papier, de manière à ce que les dernières gouttes s'y répandent en formant un cercle. Sur les bords intérieurs de la tasse, le café a dégouliné en dessinant des formes variables. C'est dans ces formes marrons que le polonais va pratiquer la lecture du destin du buveur de café)
Quand je me retrouve buveur de café, le vieux évoque mon passé proche (quelques jours auparavant) et il a tout bon. J'ai peur je m'accroche à ses petits yeux en pinçant le globe. Des perturbations, une dynamique en cour, rien de définitif, des événements explosifs. Après avoir étudié les formes marrons sur les parois intérieures (des formes étranges, deux silhouettes fantomatiques dans une forêt sombre) il me demande de planter un doigt dans le fond (il reste un peu de café là) et d'appliquer ensuite ce doigt sur la paroi vierge (celle opposée à mon sens de dégustation: je suis droitier, je tiens la tasse de la main droite, deux doigts dans l'anse, le liquide a donc coulé à gauche de l'anse) La trace que je laisse sur la paroi vierge lui paraît vraiment mystérieuse. Elle décrit une sorte d'arc de cercle incomplet (la forme de mon ongle, en fait) Il pense que je vais devoir me battre pour atteindre mes objectifs. Toute cette mascarade me fiche hors de moi, je n'ai aucune envie de me battre, alors je décoche une belle droite dans la joue du vieux et prend la fuite. Je fais demi-tour en arrivant à la fin de la ruelle. Le vieux rit en comprenant que je suis revenu, il veut me donner une tape dans le dos, mais son bras brasse de l'air. Je ris avec lui. Les vendeuses du petit magasin nous regardent, elles rient aussi.
"Quand on est monté dans le wagon, on a immédiatement regretté notre départ, tu te rappelles? On a demandé au chauffeur de nous arrêter sur un viaduc"
"Je ne comprends pas ce que tu dis Veronik"
"Attends je vais faire chauffer de l'eau pour le thé. Je te parlerais du contrôleur après"
"Quoi?"
dimanche 10 janvier 2010
Le diable entre en jeu, Ronan lasse une chaussure, les lacets sont si fins? Passe sa main gantée de laine sur la vitre d'une auto enneigée. Ajuste son col de chemise, remonte sur sa bicyclette en écoutant la chouette (le hibou?)
Avance prudemment, verglas démentiel, nuit de janvier. Bise polaire, sèche, dans le front, le soulagement (du whisky, quelques heures auparavant, avec des marins, des idiots)
Interpelle une jeune demoiselle qui roule, demande son chemin. C'est le sens opposé, il fait demi-tour, remercie. Elle sourit sous son bonnet rayé rouge et blanc.
Monte les vieux escaliers, c'est au premier. Porte entrouverte, des rires éclatent. Retrouvailles, des bises, quatre chacun. Merry new year.
Appartement immense, l'hôtesse y vit pourtant seule. Fille de riches diamantaires russes installés à Anvers.
"Celle qui est là-bas fête son anniversaire"
Elle porte une robe noire au col d'or, elle est jolie, son sourire.
Salue cet écossais de Glasgow. Sympathique et simple, veste queue de pie, barbe peu taillée, cheveux en bataille. Accent (couteau).
En se dirigeant vers le bar, croise Robbie. Robbie le dévisage, les yeux ouverts. En grand. Ne s'y attendait pas, du tout.
"Joëlle m'a appelé vers 1h"
"Ah!"
Robbie lui dit que Lucifer est là, également.
"Ah!"
Embrasse son ami Robbie. Puis, Frederik le petit ami de Robbie (reprise de relation, douloureuse trêve achevée, deux mois, cruels, se font mal, c'est de l'amour)
"Bonjour"
Une bougie brûle sous une feuille de papier cartonné rouge. Donne de la couleur à la pièce. Un cercle marron se forme progressivement au dessus de la flamme.
Il tourne la tête parmi les gens autour. Des gens de la mode, de charmants garçons, homosexuels, filles sublimes, sous leurs ombrelles, souffle des éventails dans leurs cheveux soyeux, chez Rubens, tous habillés, de bons goûts.
Puis il la voit, (Lucifer), croise vaguement son regard. Détourne vite les yeux (peur de perdre la vue) sur ses nouvelles chaussures aux lacets fins. De la neige fond encore dessus. Verse du vin dans le verre, secoue la tête, la lève vers Robbie et sourit. Sourire maladroit.
"T'es pas content de me voir Robbie?"
"Je ne m'y attendais pas"
S'assied sur les marches qui séparent le salon en deux. Un rideau replié. Près de Joëlle et son Frederik. Robin H. le frère jumeau danse avec une fille coiffée d'une toque en fourrure grise. Danse articulée. Elle a la peau blanche les bras minces de grands yeux aux longs cils noirs. Robin H. laisse traîner ses mains sur les hanches de la jeune fille.
Ensuite.
"Jelena Kovacevic"
Elle lui tend la main. Il l'attrape, sourire maladroit (les siens le sont tous)
"Ronan Riou"
Elle avance la tête. Finalement. Echange de bises, elle est si jeune, pure. C'est une vrai lolita. Elle en a assez de cette ville. De ces gens. C'est faux elle les aime. Mais elle veut du changement. Aller en Suède. Avec sa toque en fourrure grise.
Jelena est belle et étudie la photo à l'académie. Des papiers à rendre lundi. Elle mitraille (quatrième pellicule ce soir)
Ronan, ce flash lui irrite les yeux, se venge, l'emprisonne dans son jetable (celui orné du chaton qui court, acheté avant les vacances de Noël, avec Robbie, en se rendant chez Lucifer, boire du vin chaud, s'offrir des cadeaux, marquer son retour en France, avec Robbie il parle de se rouler dans la neige en janvier, il parle d'un poney qui pleure dans son champ, mais il n'aurait pas dû, aller boire du vin chaud, avec Lucifer, ça lui fait du mal de la voir, elle est trop complexe, son père n'a toujours pas donné signe de vie, oui, mais ce Rahol)
Une lourde masse s'écrase sur le plancher. Un verre s'envole. La masse se relève (va bien, s'est pris les pieds dans le tapis, tâché d'alcool par sa faute)
La musique est arrêtée, le disque a sauté.
Verse du vin dans le verre, sur les planches. Lucifer arrive, l'embrasse, posant une main sur sa joue. Le souffle froid de l'enfer s'engouffre au creux de son oreille, Ronan frissone.
"Bonjour Lucifer"
Deux petites cornes sortent de son front, il n'avait pas encore vu ça. Elle s'éloigne, cette petite conne. Se fait aspirer par les gens. Lui il va retrouver Maxim H., le frère jumeau. Ils ont des lunettes de marques différentes. Maxim H. a les joues creuses. Robin H. a un peu de ventre. Il les reconnaît toujours. Quand ils n'ont pas enlevé leurs pardessus.
Jelena les rejoint. Ils rient.
"Ah!"
Ils rient. Maxim H. veut rentrer chez lui sous la neige. Il doit écrire demain matin, être créatif, il n'arrive à rien avec une gueule de bois.
"Salut Maxim H."
Ils rient.
"Ah!"
Jelena frotte sa toque en fourrure grise contre sa joue, il aime.
(Ronan pense, allongé sur les serviettes en coton roses ou bleues, il vient de sortir du bain, sont corps est tout chaud, sa mère frotte ses petites fesses, il rit, sa mère aussi elle rit, en découvrant ses dents, son père il fait du café dans la cuisine, il rit aussi car il les entend rire)
Jelena lui montre le chat qui pend sur son torse, au bout d'une corde, entre ses petits seins. Coup de coeur pour les seins, pour la fille, une enfant. Effacer Lucifer.
Ronan doit courir, endurance avec la classe, mais il a une entorse. Il ne tente pas. Le maître est furieux mais Ronan n'y peut rien après tout. Il aurait voulu ne pas l'avoir l'entorse. Il reste assis à regarder ses camarades. Des gens s'en vont, d'autres arrivent. Bises à Jelena. Parle avec ce japonais. Rit. Un pakistanais porte un lycra, sa mère l'a envoyé vivre en Allemagne quand il avait 5 ans. Il étudie la haute couture. Propose d'essayer le lycra.
Dans la chambre. La pièce est immense, à vrai dire, c'est effarant. Il fait sombre les volets sont ouverts mais la lune a disparu sous la neige, l'éclairage public n'éclaire pas, les deux hommes s'étreignent, le pakistanais rassure, dit qu'il ne forcera pas les choses. Son pouce caresse le menton de l'autre, ils enlèvent leurs vestes, s'embrassent, s'allongent sur un divan, le pakistanais est passionné, passe ses mains sous la chemise, l'autre l'est moins mais il poursuit, emmêle ses mains dans les longs cheveux noirs broussailleux, ouvre les yeux regarde les flocons tomber, la porte en bois blanc grince lorsqu'elle vient à s'ouvrir, une tête apparaît, c'est l'hôtesse. Elle fait une réflexion, la voix sèche, l'accent russe.
"Sur mon lit"
Elle fouille quelque part et ressort en marchant vite, marchant avec les jambes.
Le pakistanais offre une cigarette, ils se relèvent. Au salon, croisent une allemande qui noie sa robe sous des larmes amoureuses, la marque d'un ancien anneau dans le nez, elle fait voir ses cordes vocales. Ronan veut jouer, du violon, pourquoi pas. Les envies pourrissent, tire puis écrase la cigarette, sur un abat jour. Le pakistanais veut dormir avec lui, il refuse, bondit par la fenêtre et court au loin en oubliant de laisser des traces dans la neige. S'il pouvait égorger un être humain dans la neige au petit matin, égorger un être humain dans la neige. Ou un renard, mais pas l'oie.
Détour par chez Lucifer (mais pourquoi?) Appuie sur l'interphone, une deux trois quatre, hurle son nom en levant la tête vers le ciel noir mazout, les flocons tombent dans sa bouche ouverte, forment un blanc tapis sur sa langue. Le nom de Rahol figure sur la boite au lettre. Il arrache l'étiquette. Celle sous l'interphone aussi. Sur son vélo il tourne à toute vitesse autour d'un arbre public, il pourrait déraper.
Mais.
Ronan va recommencer, tout depuis le début, nouvelle idylle, bientôt, bricoler quelque chose, avec cette enfant rencontrée, nuit de janvier.
Avance prudemment, verglas démentiel, nuit de janvier. Bise polaire, sèche, dans le front, le soulagement (du whisky, quelques heures auparavant, avec des marins, des idiots)
Interpelle une jeune demoiselle qui roule, demande son chemin. C'est le sens opposé, il fait demi-tour, remercie. Elle sourit sous son bonnet rayé rouge et blanc.
Monte les vieux escaliers, c'est au premier. Porte entrouverte, des rires éclatent. Retrouvailles, des bises, quatre chacun. Merry new year.
Appartement immense, l'hôtesse y vit pourtant seule. Fille de riches diamantaires russes installés à Anvers.
"Celle qui est là-bas fête son anniversaire"
Elle porte une robe noire au col d'or, elle est jolie, son sourire.
Salue cet écossais de Glasgow. Sympathique et simple, veste queue de pie, barbe peu taillée, cheveux en bataille. Accent (couteau).
En se dirigeant vers le bar, croise Robbie. Robbie le dévisage, les yeux ouverts. En grand. Ne s'y attendait pas, du tout.
"Joëlle m'a appelé vers 1h"
"Ah!"
Robbie lui dit que Lucifer est là, également.
"Ah!"
Embrasse son ami Robbie. Puis, Frederik le petit ami de Robbie (reprise de relation, douloureuse trêve achevée, deux mois, cruels, se font mal, c'est de l'amour)
"Bonjour"
Une bougie brûle sous une feuille de papier cartonné rouge. Donne de la couleur à la pièce. Un cercle marron se forme progressivement au dessus de la flamme.
Il tourne la tête parmi les gens autour. Des gens de la mode, de charmants garçons, homosexuels, filles sublimes, sous leurs ombrelles, souffle des éventails dans leurs cheveux soyeux, chez Rubens, tous habillés, de bons goûts.
Puis il la voit, (Lucifer), croise vaguement son regard. Détourne vite les yeux (peur de perdre la vue) sur ses nouvelles chaussures aux lacets fins. De la neige fond encore dessus. Verse du vin dans le verre, secoue la tête, la lève vers Robbie et sourit. Sourire maladroit.
"T'es pas content de me voir Robbie?"
"Je ne m'y attendais pas"
S'assied sur les marches qui séparent le salon en deux. Un rideau replié. Près de Joëlle et son Frederik. Robin H. le frère jumeau danse avec une fille coiffée d'une toque en fourrure grise. Danse articulée. Elle a la peau blanche les bras minces de grands yeux aux longs cils noirs. Robin H. laisse traîner ses mains sur les hanches de la jeune fille.
Ensuite.
"Jelena Kovacevic"
Elle lui tend la main. Il l'attrape, sourire maladroit (les siens le sont tous)
"Ronan Riou"
Elle avance la tête. Finalement. Echange de bises, elle est si jeune, pure. C'est une vrai lolita. Elle en a assez de cette ville. De ces gens. C'est faux elle les aime. Mais elle veut du changement. Aller en Suède. Avec sa toque en fourrure grise.
Jelena est belle et étudie la photo à l'académie. Des papiers à rendre lundi. Elle mitraille (quatrième pellicule ce soir)
Ronan, ce flash lui irrite les yeux, se venge, l'emprisonne dans son jetable (celui orné du chaton qui court, acheté avant les vacances de Noël, avec Robbie, en se rendant chez Lucifer, boire du vin chaud, s'offrir des cadeaux, marquer son retour en France, avec Robbie il parle de se rouler dans la neige en janvier, il parle d'un poney qui pleure dans son champ, mais il n'aurait pas dû, aller boire du vin chaud, avec Lucifer, ça lui fait du mal de la voir, elle est trop complexe, son père n'a toujours pas donné signe de vie, oui, mais ce Rahol)
Une lourde masse s'écrase sur le plancher. Un verre s'envole. La masse se relève (va bien, s'est pris les pieds dans le tapis, tâché d'alcool par sa faute)
La musique est arrêtée, le disque a sauté.
Verse du vin dans le verre, sur les planches. Lucifer arrive, l'embrasse, posant une main sur sa joue. Le souffle froid de l'enfer s'engouffre au creux de son oreille, Ronan frissone.
"Bonjour Lucifer"
Deux petites cornes sortent de son front, il n'avait pas encore vu ça. Elle s'éloigne, cette petite conne. Se fait aspirer par les gens. Lui il va retrouver Maxim H., le frère jumeau. Ils ont des lunettes de marques différentes. Maxim H. a les joues creuses. Robin H. a un peu de ventre. Il les reconnaît toujours. Quand ils n'ont pas enlevé leurs pardessus.
Jelena les rejoint. Ils rient.
"Ah!"
Ils rient. Maxim H. veut rentrer chez lui sous la neige. Il doit écrire demain matin, être créatif, il n'arrive à rien avec une gueule de bois.
"Salut Maxim H."
Ils rient.
"Ah!"
Jelena frotte sa toque en fourrure grise contre sa joue, il aime.
(Ronan pense, allongé sur les serviettes en coton roses ou bleues, il vient de sortir du bain, sont corps est tout chaud, sa mère frotte ses petites fesses, il rit, sa mère aussi elle rit, en découvrant ses dents, son père il fait du café dans la cuisine, il rit aussi car il les entend rire)
Jelena lui montre le chat qui pend sur son torse, au bout d'une corde, entre ses petits seins. Coup de coeur pour les seins, pour la fille, une enfant. Effacer Lucifer.
Ronan doit courir, endurance avec la classe, mais il a une entorse. Il ne tente pas. Le maître est furieux mais Ronan n'y peut rien après tout. Il aurait voulu ne pas l'avoir l'entorse. Il reste assis à regarder ses camarades. Des gens s'en vont, d'autres arrivent. Bises à Jelena. Parle avec ce japonais. Rit. Un pakistanais porte un lycra, sa mère l'a envoyé vivre en Allemagne quand il avait 5 ans. Il étudie la haute couture. Propose d'essayer le lycra.
Dans la chambre. La pièce est immense, à vrai dire, c'est effarant. Il fait sombre les volets sont ouverts mais la lune a disparu sous la neige, l'éclairage public n'éclaire pas, les deux hommes s'étreignent, le pakistanais rassure, dit qu'il ne forcera pas les choses. Son pouce caresse le menton de l'autre, ils enlèvent leurs vestes, s'embrassent, s'allongent sur un divan, le pakistanais est passionné, passe ses mains sous la chemise, l'autre l'est moins mais il poursuit, emmêle ses mains dans les longs cheveux noirs broussailleux, ouvre les yeux regarde les flocons tomber, la porte en bois blanc grince lorsqu'elle vient à s'ouvrir, une tête apparaît, c'est l'hôtesse. Elle fait une réflexion, la voix sèche, l'accent russe.
"Sur mon lit"
Elle fouille quelque part et ressort en marchant vite, marchant avec les jambes.
Le pakistanais offre une cigarette, ils se relèvent. Au salon, croisent une allemande qui noie sa robe sous des larmes amoureuses, la marque d'un ancien anneau dans le nez, elle fait voir ses cordes vocales. Ronan veut jouer, du violon, pourquoi pas. Les envies pourrissent, tire puis écrase la cigarette, sur un abat jour. Le pakistanais veut dormir avec lui, il refuse, bondit par la fenêtre et court au loin en oubliant de laisser des traces dans la neige. S'il pouvait égorger un être humain dans la neige au petit matin, égorger un être humain dans la neige. Ou un renard, mais pas l'oie.
Détour par chez Lucifer (mais pourquoi?) Appuie sur l'interphone, une deux trois quatre, hurle son nom en levant la tête vers le ciel noir mazout, les flocons tombent dans sa bouche ouverte, forment un blanc tapis sur sa langue. Le nom de Rahol figure sur la boite au lettre. Il arrache l'étiquette. Celle sous l'interphone aussi. Sur son vélo il tourne à toute vitesse autour d'un arbre public, il pourrait déraper.
Mais.
Ronan va recommencer, tout depuis le début, nouvelle idylle, bientôt, bricoler quelque chose, avec cette enfant rencontrée, nuit de janvier.
mercredi 6 janvier 2010
Lune invisible.
Amour impossible.
Juste une minute. Voir ses yeux.
Trop d'éclairage. Les lampadaires.
Elle est catégorique. Je n'entrerais pas ce soir.
Avec mon pouce j'appuie de toutes mes forces. Je l'écrase, l'interphone.
Elle ignore.
J'envoie des messages texte. Demande pourquoi.
Si proche. Derrière la porte verrouillée,
je n'aurais qu'à gravir les escaliers, enjamber quelques marches en bois grinçant.
Ses réponses sont froides.
"You cannot stay. You know why"
Je lui dis qu'elle est responsable de cette addiction.
Elle me dit (COME ON) que je l'ai réveillé. Que Rahol va peut-être venir cette nuit.
Demain matin.
J'insiste. Mon pouce appuie plus fort.
Rage.
Salope (regret)
Rahol, une balle dans le crâne.
Les yeux inquiets. A genoux. Je m'assieds. M'adosse à la porte. Verrouillée.
La tête entre les genoux. Autruche.
Je relativise. Lui dis de ne pas s'en faire.
Je vais m'en aller. Encore un instant.
Je m'endors. Vaguement.
Un bruit de clef. Une fille devant moi
(pense que j'ai oublié les miennes)
égaré
Confus je me relève.
Elle pénètre dans l'immeuble, garde la porte entrouverte.
Si je souhaite entrer.
Silence. Je ne comprends pas. Je bafouille.
Non. Je ne monterais pas.
J'aurais pu monter. Surprendre l'absente.
Me voyant, elle aurait peut-être changé. D'avis, d'humeur.
Ou pas du tout. "Bastard"
Salaud.
Sur mon vélo, émotion. Rentrer chez soi à contre-coeur.
(je pleure encore, larmes de haine)
Amour impossible.
Juste une minute. Voir ses yeux.
Trop d'éclairage. Les lampadaires.
Elle est catégorique. Je n'entrerais pas ce soir.
Avec mon pouce j'appuie de toutes mes forces. Je l'écrase, l'interphone.
Elle ignore.
J'envoie des messages texte. Demande pourquoi.
Si proche. Derrière la porte verrouillée,
je n'aurais qu'à gravir les escaliers, enjamber quelques marches en bois grinçant.
Ses réponses sont froides.
"You cannot stay. You know why"
Je lui dis qu'elle est responsable de cette addiction.
Elle me dit (COME ON) que je l'ai réveillé. Que Rahol va peut-être venir cette nuit.
Demain matin.
J'insiste. Mon pouce appuie plus fort.
Rage.
Salope (regret)
Rahol, une balle dans le crâne.
Les yeux inquiets. A genoux. Je m'assieds. M'adosse à la porte. Verrouillée.
La tête entre les genoux. Autruche.
Je relativise. Lui dis de ne pas s'en faire.
Je vais m'en aller. Encore un instant.
Je m'endors. Vaguement.
Un bruit de clef. Une fille devant moi
(pense que j'ai oublié les miennes)
égaré
Confus je me relève.
Elle pénètre dans l'immeuble, garde la porte entrouverte.
Si je souhaite entrer.
Silence. Je ne comprends pas. Je bafouille.
Non. Je ne monterais pas.
J'aurais pu monter. Surprendre l'absente.
Me voyant, elle aurait peut-être changé. D'avis, d'humeur.
Ou pas du tout. "Bastard"
Salaud.
Sur mon vélo, émotion. Rentrer chez soi à contre-coeur.
(je pleure encore, larmes de haine)
dimanche 3 janvier 2010
Sylvain reste debout sur sa table de nuit, il ne fait rien, il ne dit rien pendant plusieurs années, parfois sa soeur vient lui donner à manger mais il recrache tout par terre, c'est la voisine qui fait le ménage. Le téléphone sonne durant des jours entiers sous son lit mais Sylvain ne bouge pas il reste debout sur sa table de nuit.
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