jeudi 25 mars 2010

Il y a toujours un goût de mélancolie qui traîne. Il ondule comme une vague de chaleur au dessus d'un grille-pain. Les gestes lents on avance sans grande conviction. L'esprit livré trop longtemps à lui même s'expose à l'ennui, il faut alors l'occuper, mettre en branle ses mains, ses coudes, son torse, ses hanches. Ou simplement sa cervelle, qu'elle travaille, ses yeux suivent les lignes d'un ouvrage. On écoute une pièce. Le poignet trace des lignes sur une toile pendue. Le problème peut alors venir de l'humeur: a t-on l'envie suffisante, la motivation nécessaire, le goût adéquat à l'activité entamée? Il faut faire face à un choix, bien déterminer ce que l'on veut faire. Réflexion faite. Le choix n'est jamais heureux, il implique de mettre de côté un certain nombre de choses. Peut-être aura t-on le temps de s'en occuper plus tard, de ces choses? Le tout est de se concentrer sur son choix, ne pas faire marche arrière. Ne pas mélanger, ou pas trop. S'atteler à plusieurs projets à la foi est risqué, on fait tout assez négligemment, de travers. Néanmoins la concentration n'est pas une mince affaire, les pensées divergent facilement, on ne les contrôle qu'à moitié, l'esprit est autonome oui. On en arrive vite à ne rien faire, à force de trop réfléchir. On ne fait rien, non, mais on réfléchit. C'est ce que fait l'homme quand il ne fait rien. On reste assis, on se demande ce qu'on va vivre, la semaine prochaine, dans un mois, l'année suivante. On s'interroge, on espère que sa grand-mère sera toujours vivante quand on va rentrer, on se dit qu'on n'a pas vécu assez de choses avec elle. On voudrait commencer à s'activer, immédiatement, mais le corps ne répond pas. C'est la flegme. La flegme est-elle néfaste? Tout dépend du contexte, de l'urgence. On se lasse, alors on se lève, on balaie d'un revers de la main le tas de miettes de pain, et on tourne en rond dans la pièce, enfin on essaye, car il y a des objets, des tables, des malles, des grandes feuilles étalées par terre, il faut les éviter, les cercles sont maladroits, on effectue plutôt des patates sur le sol. On est enfin occupé, un petit moment. Tant qu'on est debout à tourner, on se déplace dans le bâtiment, on croise des gens, on parle un peu, des bribes de conversations, sans intérêt. Mais la présence humaine est importante quelquefois, j'entends le contact avec une autre personne que soi-même. Quand on a assez consommé de présence humaine, on retourne s'asseoir et on regarde devant, les oiseaux chantent dehors il fait beau il fait plutôt bon, encore un peu frais, on enlève son pull, le printemps est arrivé. L'hiver a été long. La vitre de la fenêtre en face est brouillée, il y a des bosses, c'est flou, on ne voit pas bien l'extérieur. Simplement les formes, les couleurs. Et encore, ça reste pâle. C'est un peu triste. Un tissu rouge flotte avec le vent. On pense à la plage, on voudrait sentir le sable glisser entre ses doigts de pieds. Expérimenter une flegme idéale. La bise pousse le voilier au fond. On voudrait s'allonger sur la chaise longue qu'on voit vide sur le pont, siroter une citronnade fraîche. Fermer les yeux et rester tranquille.

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